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Susanna Zimmermann : comprendre les transformations birationnelles

Portrait de chercheur ou chercheuse Article publié le 03 janvier 2024 , mis à jour le 16 janvier 2024

Susanna Zimmermann est professeure des universités en mathématiques fondamentales à l'Université Paris-Saclay au sein du Laboratoire de mathématiques d'Orsay (LMO – Univ. Paris-Saclay, CNRS). Spécialiste de géométrie algébrique, elle s’intéresse à la géométrie birationnelle, aux groupes algébriques et à la géométrie algébrique réelle. Lauréate de la médaille de bronze du CNRS en 2020 pour ses travaux sur groupes des symétries des objets algébriques, elle est également membre junior de l’Institut universitaire de France (IUF) depuis 2022. 

Si Susanna Zimmermann a choisi de faire des mathématiques après son baccalauréat obtenu en Suisse, c’est d’abord pour ne rien regretter. « À l’époque, tout m’intéressait : la psychologie, la géologie, l’archéologie, les mathématiques. Mais de toutes les disciplines, ce sont les mathématiques qui me semblaient les plus difficiles », se souvient l’enseignante-chercheuse. Pour ne pas avoir de regrets plus tard, elle décide donc de tenter les mathématiques en premier ! Alors qu’elle imagine au départ aller vers la finance pour travailler dans les assurances, Susanna Zimmermann décide finalement de s’orienter vers la recherche en mathématiques. « J’avais rencontré des doctorants et leur travail m’intriguait, m’attirait », précise-t-elle. Après l’obtention en 2016, à Bâle (Suisse), de sa thèse en géométrie birationnelle, elle choisit de réaliser son stage postdoctoral au sein de l’Université Paul Sabatier de Toulouse, auprès du professeur Stéphane Lamy, thématiquement proche et dont elle sait qu’elle apprendra beaucoup. Tout sourit à la jeune chercheuse puisque, à peine son stage postdoctoral achevé, elle est recrutée comme maîtresse de conférences à l’Université d’Angers où elle passe cinq années jusqu’à l’obtention de son habilitation à diriger des recherches en 2021. Recrutée ensuite comme professeure à l’Université Paris-Saclay, elle rejoint en 2022 le Laboratoire de mathématiques d’Orsay (LMO – Univ. Paris-Saclay, CNRS) où elle mène actuellement ses recherches.

Plongée dans la géométrie birationnelle

Expliquer le domaine de recherche de Susanna Zimmermann n’est pas chose aisée puisque, de l’aveu de cette dernière, « il s’agit vraiment d’abstraction pure, en géométrie birationnelle ». Il s’agit donc d’imaginer une sphère et la mettre entre les mains de Susanna Zimmermann. Qu’en fera-t-elle ? « Je vais m’intéresser aux symétries de la sphère. Je peux par exemple faire des rotations autour d’axes que je détermine moi-même, mais je peux aussi décider de percer la sphère et de l’étirer pour obtenir un plan, car géométriquement la sphère et le plan ne sont pas si éloignés l’un de l’autre. C’est aux propriétés de ce type de symétries, qu’on appelle transformation birationnelle, que je m’intéresse concrètement », explique l’enseignante-chercheuse. Pourquoi étudier ces propriétés ? Si l’on connaît les séquences de symétries spéciales génératrices de symétries du plan, on ignore, en revanche, tout des séquences de symétries spéciales génératrices des symétries de l’espace. « En connaissant mieux les propriétés spécifiques des groupes de transformations birationnelles, il devient possible de déterminer les relations entre des variétés algébriques différentes », ajoute Susanna Zimmermann. 

Une médaille CNRS et une bourse ERC : des premiers résultats salués

Lorsque l’on se lance dans ce type de recherches en mathématiques fondamentales, il est difficile de savoir si l’on obtiendra des résultats et, si par chance c’est le cas, quand ces derniers arriveront. Pour Susanna Zimmermann, les premiers résultats ne se sont pas fait attendre. « J’ai en effet résolu, en collaboration avec Jérémy Blanc de l’Université de Bâle et Stéphane Lamy de l’Université de Toulouse 3, une conjoncture ouverte depuis près de 150 ans, en montrant qu’il existait des sous-groupes de symétrie aux propriétés spéciales dans le groupe de symétrie des espaces de dimension plus grande », indique l’enseignante-chercheuse. Ces travaux lui valent d’être lauréate de la médaille de bronze du CNRS en 2020. Le succès appelant le succès, Susanna Zimmermann décroche une ERC Starting Grant en 2023. « Avec cette bourse du Conseil européen de la recherche et en tant que membre de l’Institut universitaire de France, je bénéficie d’une réduction significative d’enseignement. Cela me permet de recruter de jeunes chercheurs et chercheuses en stage postdoctoral, de voyager, de mener des projets avec des collègues à l’étranger, bref de me consacrer pleinement à ma recherche qui a toujours été pour moi la priorité. »

De l’importance de faire communauté

Susanna Zimmermann n’envisage pas de faire de la recherche autrement qu’en nourrissant le dialogue avec le reste de la communauté des mathématiques. « Il est essentiel de travailler à communiquer ses réflexions et ses résultats à d’autres mathématiciennes et mathématiciens et, à l’inverse, d’essayer de comprendre les recherches menées et résultats obtenus par ces dernières et ces derniers. Ce dialogue est essentiel car c’est en son sein que naissent les questions qui deviendront potentiellement nos futures questions de recherches et que se construisent les hypothèses qui donneront lieu parfois à des solutions, parfois à de nouvelles questions. » C’est pourquoi Susanna Zimmermann n’hésite pas à multiplier les collaborations en France, mais également en Angleterre, en Suisse ou aux États-Unis où elle maintient le contact avec de nombreux chercheurs et chercheuses. « J’ai aussi la chance de travailler sur une thématique de recherche portée par une communauté assez importante et très dynamique », se réjouit l’enseignante-chercheuse. 

Rendre les mathématiques plus inclusives

Rien d’étonnant donc à ce que Susanna Zimmermann ait à cœur de faire tomber des barrières apparaissant comme des freins potentiels d’entrée dans sa discipline. Alors qu’elle est encore maîtresse de conférences à l’Université d’Angers, elle contribue à la création d’une master class en première année de master de mathématiques priorisant la place des femmes. « Bien qu’ouverte à tous, cette master class avait pour objectif qu’au moins la moitié des participants soient des femmes. Les deux cours principaux y étaient dispensés par des mathématiciennes. L’idée était de donner à voir à tous et toutes, hommes et femmes, que les femmes avaient toute leur place dans la recherche et beaucoup à apporter », se souvient-elle. Ce type d’initiatives, Susanna Zimmermann aimerait à l’avenir en porter davantage. « L’enjeu de l’inclusivité ne se limite pas selon moi à la question de la place des femmes, il concerne toutes les minorités, ethniques ou sociales, pour qui le chemin vers la recherche est parfois plus compliqué. Je suis convaincue que, pour être en bonne santé et renouveler le dialogue qui la fait vivre, la recherche a besoin de cette diversité en son sein. »

Ambassadrice de la Maison Poincaré

Si la recherche et le dialogue avec ses pairs restent sa priorité absolue, il est malgré tout important pour Susanna Zimmermann de prendre le temps de partager sa passion pour les mathématiques auprès d’un public plus large. C’est dans ce but qu’elle endosse actuellement le titre d’ambassadrice de la Maison Poincaré, musée lié à l’Institut Henri Poincaré où les mathématiques prennent vie. « Au sein de ce musée dont je me charge de faire la promotion auprès des médias, nous accueillons des mathématiciennes et mathématiciens, proposons des expositions et organisons des échanges pour permettre à toutes et tous de comprendre la démarche des chercheuses et des chercheurs d’aujourd’hui, et de découvrir l’histoire des mathématiques à travers les cultures et les arts. Une manière de montrer, me semble-t-il, que les mathématiques ne sont pas forcément ce que l’on imagine et qu’elles ont quelque chose de passionnant à offrir à chacun et chacune », conclut Susanna Zimmermann.

(c) Christophe Peus